Union des artistes et IO Médias inc., 2023 QCTA 449 (arbitre Francine Lamy)
Avocate MMGC responsable du dossier: Marie-Claude St-Amant
Billet rédigé par Jean-François Demers, en collaboration avec Julien Thibault et Guillaume Grenier
L’Union sollicite une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’un grief par lequel elle réclame les sommes dues aux artistes ayant participé à la production d’une série de fiction.
À l’origine du grief, le producteur a présenté une demande de production artisanale à l’Union pour différer le paiement d’une partie des cachets dus aux artistes en vertu de l’entente collective. L’Union a accepté la demande, moyennant l’accomplissement de certaines formalités, le paiement des cachets et le versement de la contribution à la caisse de sécurité des artistes. Le producteur a ensuite entrepris le tournage de la série sans s’acquitter de ces obligations.
Après le dépôt du grief et constatant que la diffusion de la série est prévue dans un avenir rapproché, l’Union demande une ordonnance de sauvegarde visant à suspendre la diffusion de la série et à déclarer le producteur irrégulier.
L’arbitre estime qu’il y a lieu de rendre l’ordonnance demandée. Le comportement allégué du producteur contrevient aux termes de l’entente collective. De plus, l’utilisation de l’image des artistes sans leur consentement mettrait en cause le droit au respect de la vie privée garanti par la Charte des droits et libertés de la personne. L’arbitre souscrit également à la prétention de l’Union selon laquelle la violation de ce droit fondamental constituerait un préjudice sérieux et irréparable. De plus, la balance des inconvénients penche en faveur de l’Union puisque, pour le producteur, la diffusion de la série ne serait que retardée alors que pour les artistes, la violation de leur droit à la vie privée serait entièrement réalisée.
L’arbitre refuse par ailleurs d’ordonner que le producteur soit déclaré « irrégulier » au sens de l’entente collective. Elle estime qu’une telle déclaration doit s’appuyer sur le constat d’une contravention à l’entente collective, ce qui requiert de rendre une décision sur le bien-fondé du grief. Par ailleurs, l’arbitre juge que, dans le cadre d’une demande provisoire, il n’est pas du ressort de l’arbitre de prévenir les préjudices dont il est incertain qu’ils se réaliseront.
Par conséquent, l’arbitre ordonne au producteur de ne pas diffuser la série avant qu’une décision finale soit rendue.
Cette décision revêt un intérêt particulier puisqu’à notre connaissance, il s’agit de l’un des premiers cas où un arbitre de griefs a octroyé une ordonnance de sauvegarde dans le cadre de l’application de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène (RLRQ, c. S-32.1), tout particulièrement depuis la réforme législative entrée en vigueur le 3 juin 2022. Cette réforme a notamment explicitement confirmé qu’un tribunal d’arbitrage saisi d’un grief déposé par une association d’artistes possède les mêmes pouvoirs (notamment ceux prévus à l’article 100.12 du Code du travail) qu’un arbitre de griefs agissant en vertu de l’article 100 du Code du travail.