Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. Agence du revenu du Québec, 2023 QCTAT 5021 (juge administratif Pierre-Étienne Morand)
Le Tribunal administratif du travail (« TAT ») conclut dans cette affaire que plusieurs comportements de l’employeur constituaient de l’entrave au sens de l’article 12 du Code du travail.
Premièrement, alors que le syndicat est dans un état particulièrement vulnérable où il tente de recueillir l’adhésion de ses membres à un mandat de grève générale illimitée, un représentant de l’employeur profite d’une rencontre de travail obligatoire qu’il a lui-même convoquée pour informer les salariés du dépôt d’une proposition patronale globale. Le TAT conclut que cela a pour effet de court-circuiter le syndicat, puisque c’est ce dernier qui doit déterminer quand et comment ses membres seront informés des offres patronales.
Deuxièmement, une gestionnaire s’est servie de la plateforme Teams pour diffuser un message que le TAT qualifie de « saugrenu », « grossièrement inexact » et « rédigé hâtivement et sans précaution » alléguant que le syndicat serait très actif pour surveiller ses membres et n’hésiterait pas à donner de lourdes amendes aux gestionnaires et aux salariés qui ne respectent pas l’horaire de travail en contexte de grève. Ce message a eu pour effet de provoquer un vent de panique, de créer de la méfiance envers le syndicat, en plus de miner sa crédibilité, de le déstabiliser et de lui causer des ennuis dans l’exécution de son mandat de représentation.
Finalement, alors que la semaine de relâche approche, l’employeur refuse d’octroyer et d’autoriser des vacances tant que le syndicat ne retire pas son avis de grève. Non seulement l’employeur tente-t-il de rendre le syndicat responsable de cette situation, mais ses représentants essayent également d’en profiter pour proposer de troquer l’octroi de vacances avec un engagement syndical de non-recours à la grève.
Pour ce qui est des mesures de réparation, le TAT ordonne à l’employeur de verser 5 000$ au syndicat pour compenser le préjudice moral directement causé par ses actions.
L’analyse du TAT pour déterminer le montant des dommages punitifs que l’employeur doit verser au syndicat présente un intérêt tout particulier. Puisque les dommages punitifs ont pour but de punir, dissuader et dénoncer les comportements répréhensibles, le montant déterminé doit permettre d’accomplir réellement ces objets.
Le TAT estime que les caractéristiques de l’employeur dans le dossier dont il est saisi – une personne morale de droit public, un employeur majeur et un mandataire de l’État avec une situation patrimoniale importante – fait en sorte qu’« on devrait s’attendre à ce qu’il prêche par l’exemple en étant respectueux de la loi ». De plus, comme les dommages punitifs ne peuvent être simplement symboliques, mais doivent plutôt prévenir la répétition de manquements répréhensibles, leur montant doit être accordé selon l’importance de ces manquements et en tenant compte des circonstances propres à chaque dossier.
À la lumière de ces principes, le TAT condamne l’employeur à payer 20 000$ en dommages punitifs au syndicat. Le tribunal recommande aussi à l’employeur de former et d’encadrer ses gestionnaires pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.
En résumé, peu importe la taille et les ressources d’un employeur qui entrave des activités syndicales, le montant des dommages punitifs doit toujours être modulé de manière à assurer réellement ses fonctions préventive et dissuasive. Autrement, l’objectif visé par l’octroi de dommages punitifs serait, comme dit le TAT, « réduit à néant ».
Alors que le TAT et ses prédécesseurs étaient autrefois très réticents à octroyer des dommages punitifs, la situation a évolué et cette décision s’inscrit dans une tendance nette du TAT à recourir de façon de plus en plus courante aux dommages punitifs dans la sanction des comportements d’entrave, entre autres. On constate également le début d’un certain rehaussement des montants alloués dans certaines décisions récentes, dont celle-ci.